Laxophobie et Imodium : quand la peur de perdre le contrôle devient un enfermement

Une peur peu connue mais très répandue

La laxophobie, ou peur intense de ne pas pouvoir se retenir d’aller à la selle (souvent accompagnée d’une crainte de « se faire dessus » en public), est une forme de trouble anxieux encore méconnue et souvent vécue dans la honte et le silence. Cette peur peut devenir envahissante, affectant la vie quotidienne, les déplacements, la vie sociale, professionnelle, et même les choix alimentaires.

Ce n’est pas une simple inquiétude digestive. Pour la personne concernée, l’idée même de ne pas avoir accès rapidement à des toilettes peut déclencher une angoisse aiguë, voire des attaques de panique. On retrouve souvent une hypervigilance digestive, des scénarios catastrophes récurrents et une multitude de stratégies d’évitement : ne plus voyager, ne plus sortir, ne plus manger avant de sortir…

D’où vient cette peur ?

La laxophobie peut se développer suite à :

  • un épisode vécu comme humiliant (diarrhée soudaine, fuite, urgence mal gérée en public),

  • une pathologie digestive chronique (comme le syndrome de l’intestin irritable),

  • une anxiété généralisée focalisée sur le contrôle corporel,

  • ou encore un événement traumatique lié au corps, à la honte ou au regard des autres.

Ce qui est frappant, c’est à quel point cette peur, bien que très intime, peut structurer toute une manière de vivre, d’anticiper, de s’adapter — souvent au prix d’un grand isolement et d’un sentiment de honte profond.

Imodium & Laxophobie : rassurant, piégeant ?

L’Imodium est un médicament antidiarrhéique couramment utilisé dans des contextes médicaux. Mais chez de nombreuses personnes anxieuses ou laxophobes, il est utilisé comme une « béquille psychologique », même en l’absence de trouble digestif réel.

Certaines personnes expliquent par exemple :

  • ne pas pouvoir sortir sans en avoir pris « au cas où »,

  • garder une boîte toujours à portée de main (dans le sac, la voiture, etc.),

  • associer l’Imodium à un sentiment de sécurité, voire de contrôle.

Ce comportement est compréhensible : dans un état de grande anxiété, toute stratégie qui permet de « prévenir une catastrophe » peut sembler vitale. Pourtant, l’usage systématique ou préventif du médicament peut finir par renforcer la peur au lieu de l’apaiser durablement.

Ce que la psychologie peut apporter

En tant que psychologue, je rencontre régulièrement des personnes touchées par ce type de phobie ou d’anxiété corporelle. Bonne nouvelle : il est tout à fait possible de sortir de ce cercle vicieux, sans nier la peur, mais en l’apprivoisant, en la déconstruisant et en retrouvant progressivement confiance en soi et en son corps.

Les approches que j’utilise incluent :

  • Des thérapies centrées sur les pensées et comportements : pour identifier les scénarios catastrophes et s’en détacher.

  • Des expositions progressives et sécurisées aux situations anxiogènes.

  • Un travail profond sur la confiance corporelle et la capacité à tolérer l’incertitude.

  • Des techniques comme l’EMDR, dans les cas où la phobie prend racine dans un événement traumatique ou honteux.

L’objectif n’est pas d’obliger à se passer d’Imodium du jour au lendemain, mais d’apprendre à retrouver une sécurité intérieure sans en dépendre. D’être capable de sortir, de voyager, d’avoir une vie sociale libre sans vivre sous la menace d’un incident imaginaire permanent.

Quand consulter un médecin ?

Bien entendu, toute symptomatologie digestive persistante ou inhabituelle doit faire l’objet d’un avis médical. L’accompagnement psychologique vient en complément, lorsqu’il s’agit d’un vécu anxieux, d’un trouble phobique, ou d’un besoin de réapprivoiser la relation au corps et au contrôle.

En conclusion

La laxophobie est une peur souvent tue, mais très réelle et parfois invalidante. Si vous vous reconnaissez dans ces descriptions, sachez que vous n’êtes pas seul·e, et que des solutions existent. Retrouver une liberté de mouvement, sans peur ni dépendance, est tout à fait possible avec un accompagnement adapté, bienveillant et progressif.